Voici une interview réalisée lors de son passage au Maroc
"La musique panse les blessures de l’histoire"
Entretien avec Patrick Fiori
La musique, voilà un remède pas comme les autres. Face à un monde où la logique de la violence semble l’emporter sur celle du dialogue, les notes deviennent notre dernier bastion. Le chant peut-il guérir les déchirures de l’humanité? C’est certain, lorsqu’on écoute une voix comme celle de Patrick Fiori. Son dernier album, «Si l’on chantait plus fort», confirme cette conviction: la musique pour parer au grondements macabres des bombes. C’est dans les couloirs de la deuxième chaîne que le chanteur français s’est livré à L’Economiste. Il a été l’un des invités de la finale de Studio 2M qui s’est déroulée le 28 juillet. Dans cet entretien, le chanteur français nous parle de son faible pour Casablanca, de la Méditerranée, de l’immigration...
· L’Economiste: Quelles impressions avez-vous en chantant devant le public marocain? - Patrick Fiori: Je me suis déjà produit dans ce genre d’émission en France. On m’a invité à me produire à Studio 2M et l’idée m’a séduit. Je sais que ce n’est pas chez moi, mais j’ai l’impression d’être dans mes chaussures. Il y a une joie de vivre au Maroc. A tel point que je me sens un peu nostalgique lorsque je repars. Etre parmi vous ce soir me fait vraiment plaisir et particulièrement le fait d’être à Casablanca.
· Avez-vous un faible pour la capitale économique? - Certainement. D’ailleurs, c’est la ville de Gad El Maleh. Un artiste que j’aime beaucoup. En plus, le premier concert de ma tournée a été fait dans la ville blanche. C’est important pour moi, surtout que le public casablancais a très bien réagi. On a senti une bonne température. Il a donné en fait un bon coup d’envoi pour les spectacles suivants. Raison pour laquelle j’ai un penchant pour Casablanca.
· Que représente pour le Marseillais que vous êtes la culture méditerranéenne? - La Méditerranée est le berceau du monde. Les Méditerranéens sont des bons vivants. C’est ce qui explique la qualité de leur cuisine. Ils aiment manger. Les gens sont aussi très beaux, surtout les jeunes femmes. La culture méditerranéenne est riche de chants. On chante ensemble. La musique fait partie du quotidien. Mon enfance a d’ailleurs été bercée par des chansons très mélodiques. Pourquoi la Star Académie existe ici? Je pense que ce n’est pas seulement une question de mode. Mais parce qu’il y a des viviers d’artistes. Une émission comme Studio 2M permet aux jeunes d’exprimer leur talent. J’espère qu’on les verra en France. L’Hexagone adore les voix aux teintures orientales. Le succès du trio 1,2,3 Soleil(1) le confirme.
· Une sorte de liaison musicale entre deux rives... - Je pense que le pont existe depuis longtemps. Les Marocains ont la confiance des Français et inversement. En me baladant en ville, j’ai constaté qu’il y a beaucoup de touristes. Ce qui m’a marqué, c’est le respect des gens et leur sincérité. On appartient tous au bassin méditerranéen. Face à la mer, il y a l’horizon. Et au bout, il y a plein de choses. L’échange en fait partie. C’est important que des groupes aussi bien marocains, corses ou arméniens fassent le tour du monde pour offrir leur culture. Pouvoir chanter, c’est aussi la chance de pouvoir passer des messages.
· En tant que musicien, qu’est-ce qui a marqué le plus votre parcours?- Il y a eu mon expérience au sein de la comédie musicale de «Notre-Dame de Paris». On ne s’attendait pas à un tel succès. Les derniers chiffres font état de 15 millions d’albums vendus. Les ventes ne m’intéressent pas vraiment. Mais il faut avouer que cela m’impressionne. Le fait d’avoir travaillé avec Jean-Jacques Goldman m’a marqué aussi. C’est une chance. Artistiquement, cette collaboration m’a beaucoup appris. Je pense qu’il y a beaucoup de musiciens qui auraient aimé être à ma place. Mais c’était la mienne et je l’ai méritée.
· Que pensez-vous de la fusion(2) en tant qu’approche musicale?- La world music est importante surtout aujourd’hui et encore plus demain. Pas très loin d’ici, il y a encore des gens qui souffrent aussi bien de famine que de bombes. C’est révoltant.
· Faites-vous allusions à la guerre du Liban? - Je fais allusion à tous les conflits. A celui du Liban, effectivement, parce qu’il est d’actualité. Mais je pense notamment à ce que les Arméniens ont subi. Heureusement que la musique existe: lorsque les bombes s’arrêtent, la vie reprend ses droits. La musique panse les blessures de l’histoire. Il y a les livres, mais ce n’est pas donné à tout le monde de lire. La musique, par contre, tout le monde peut l’écouter.
· Vous êtes plutôt immigration «choisie» ou immigration «subie»? - J’ai grandi avec Mohammed, Mustapha, Yasmine, Mamadou...
Mon enfance, c’est dans une cité à Marseille que je l’ai vécue. Il y avait à peu près une cinquantaine de nationalités. Le mot immigration n’a aucun sens. Le plus important, c’est de s’entraider entre êtres humains. Je milite dans des associations comme celle des Enfoirés. Après, c’est une question de lois. Elles sont faites par des «monsieurs» en cravate dans une Assemblée qui se cure le nez. Et qui en plus ne donne aucun intérêt à ce que je dis ni à ce que vous allez écrire. Malheureusement, je subis ces lois comme les immigrés eux-mêmes.
(1) Il s’agit de Rachid Taha, Khaled et Faudel.
(2) Terme générique employé par la critique pour classer des musiciens qui mélangent les genres (Ragga, Rock, Jazz...)
Lien avec un petit resumé de son parcours aussi :
http://www.leconomiste.com/article.html?a=72556